Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/290

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et les gens qui étaient dans la loge, ne l’ont pas éprouvé ce moment de répulsion… J’ai beaucoup réfléchi dans la nuit… Oui, vous êtes bien des latins, il y a chez vous du romain et de sa religion du droit, en un mot, vous êtes des hommes de la loi… Nous, nous ne sommes pas ainsi… Comment dire cela ?… Voyons, supposez chez nous un rond, autour duquel sont tous les vieux Russes, puis derrière, pêle-mêle, les jeunes Russes. Eh bien les vieux Russes disent oui ou non, — auxquels acquiescent ceux qui sont derrière. Alors figurez-vous que devant ce “oui ou non”, la loi n’est plus, n’existe plus, car la loi chez les Russes ne se cristallise pas, comme chez vous. Un exemple. Nous sommes voleurs en Russie, et cependant, qu’un homme ait commis vingt vols qu’il avoue, mais qu’il soit constaté qu’il y ait eu besoin, qu’il ait eu faim, il est acquitté… Oui, vous êtes des hommes de la loi, de l’honneur, nous, tout autocratisés que nous soyons, nous sommes des hommes — et comme il cherche son mot, je lui jette “de l’humanité”. Oui, c’est cela, reprend-il, nous nous sommes des hommes moins conventionnels, nous sommes des hommes de l’humanité. »

Aujourd’hui dimanche, dernier jour des élections, j’ai la curiosité de saisir l’aspect du salon Hugo.

Dans l’escalier, je rencontre s’en allant Maurice et Vacquerie.

Dans le salon du poète presque vide, Mme Drouet, raide dans sa robe de douairière galante, se tient assise à la droite d’Hugo, en une attention reli-