Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/333

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passer une année au Japon, mais au moins je m’amuserai du projet de ce voyage, pendant six mois.

Vendredi 19 janvier. — Dans ce moment la Parisienne a appétit de Gambetta. Elle veut l’avoir at home, elle veut le servir à ses amies, elle veut le montrer, échoué sur un divan de soie, à ses invités. Le gros homme politique devient, en ces jours, la bête curieuse que se disputent les salons. Depuis quinze jours, c’est un échange de billets, de notules diplomatiques, de la part de Mme Charpentier, pour avoir à dîner l’ancien dictateur. Burty est l’ambassadeur, et le commissionnaire chargé d’appuyer tout ce que contiennent les babillets… Enfin l’homme illustre a bien voulu se promettre, et aujourd’hui le ménage Charpentier l’attend sous les armes, la maîtresse de maison, moite d’une petite sueur d’émotion, dans l’angoisse que le dieu se soit trompé d’invitation, et aussi dans la terreur que le dîner soit trop cuit.

À huit heures sonnantes, Gambetta apparaît, une rose-thé à la boutonnière…

 

Au fond, je perçois chez cet homme, sous une apparence de bonne enfance et de rondeur endormie, l’éveil d’une attention toujours à l’aguet, et qui note les paroles, et qui prend la mesure des gens, et qui