Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/334

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se rend compte très bien, au bout de trois phrases, de ceux qui sont encore à écouter, et de ceux qui ne le sont plus.

Au dessert, il s’égaye, dit des drôleries, que souligne la voix de bronze de Coquelin l’aîné.

Au sortir de table, Gambetta me dit aimablement qu’il est heureux de rencontrer un homme, que des amis communs lui ont fait connaître. Il ajoute avec un tact délicat : « Que le salon Charpentier aura peut-être la fortune — chose regardée comme impossible en France — de réunir et de mettre en contact des gens d’opinion différente, qui s’estiment et s’apprécient, chacun, bien entendu, gardant son opinion. » Et il parle de l’Angleterre, où le soir, dans le même cercle, les antagonistes les plus violents se donnent la main.

Burty joue le rôle de la bonne de l’homme politique, et quand je m’en vais, je ne puis m’empêcher de lui crier : « Vous ne venez pas avec moi, hein !… Allons, vous allez le mener faire pipi, et le coucher ! »

À propos de Diaz, une curieuse anecdote. Coquelin aîné racontait qu’étant tout jeune, et gagnant seulement dix-huit cents francs par an, et ayant, avec beaucoup de peine, mis de côté deux cents francs, il avait demandé à Diaz de lui faire un tableautin. Diaz lui écrivait que le tableautin l’attendait, et il trouvait dans l’atelier un tableau beaucoup plus important qu’il ne s’y attendait, et dans un cadre d’au moins trente francs. Un peu honteux, il