Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/348

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qui pourra !… Oui, quoi qu’on dise, je crois que mon talent a grandi dans le malheur, dans le chagrin… Et oui, mon frère et moi, avons mené, les premiers, un mouvement littéraire qui emportera tout, un mouvement, qui sera peut-être aussi grand que le mouvement romantique… et si je vis encore quelques années, et que des milieux bas, des sujets canailles, je puisse monter aux réalités distinguées, c’est alors que le vieux jeu sera enterré, et que ni ni, ce sera fini du conventionnel, de l’imbécile conventionnel.

Lundi 2 avril. — C’est curieux, la férocité toute particulière des haines, que nous avons le privilège d’exciter, — nous les Goncourt.

Au collège quelques-uns des camarades de mon frère, en auraient mangé à belles dents, et ces camarades à la vilaine gueule, jaloux de sa jolie figure, ont tâché, plusieurs fois, de le défigurer, et cela sans qu’il y eût presque de rapport, de contact avec eux, mais par ce sentiment enragé des démocraties contre les aristocraties, de quelque nature qu’elles soient.

Mercredi 3 avril. — Je reçois un petit mot de Burty m’annonçant que mon livre a été fort épluché au ministère, mais qu’il n’y aura pas de poursuites.