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plaisantant Mme Daudet de sa gentille idée, d’avoir voulu me marier avec une très charmante femme de ses amies.

Daudet est tué. Voici cinq mois qu’il travaille depuis quatre heures du matin jusqu’à huit heures, de neuf heures à midi, de deux heures à six heures, de huit heures à minuit : en tout vingt heures de pioche, auxquelles il faut ajouter trois heures de travail de sa femme.

Sa fièvre est passée, et il a encore trois feuilletons à revoir. Son dernier morceau, sa « première » dont il pouvait faire un chef-d’œuvre, ce n’est pas ça, dit-il. Maintenant, il adoptera ma méthode, il fera le dernier chapitre avant la fin, au moment de l’empoignement.

Après déjeuner, une partie de boule dans la cour. Là-dessus, on va prendre, pour une promenade dans la forêt, un ami qui demeure dans la maison de Delacroix.

Une maison de notaire de village dans la débine, un jardin de curé, un atelier peint d’un gris-vert pois : c’est le ci-devant logis de campagne du coloriste.

À propos de cette triste habitation, une jolie histoire. Le voisin de Delacroix, un ancien marchand de vin, avait un mur qui gênait la vue du peintre. Delacroix lui proposait pour l’abattis de ce mur, une grosse somme qu’il refusait, puis enfin son portrait et celui de sa femme, qu’il refusait encore. Mais à la mort du peintre, ne voilà-t-il pas que le marchand de vin apprend le gros prix de ses peintures, et de-