Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/45

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père, un ingénieur civil, qui le fait attacher aux travaux de Roquefavour, à raison de cinquante sous par jour. Il entremêle ses travaux de bureau, d’aquarelles qu’il exécute d’après les coins pittoresques de Marseille. Roquefavour est terminé. On attend le duc d’Orléans, qui doit venir le visiter. L’ingénieur lui demande s’il peut en faire une grande vue pittoresque. Il exécute cette vue. Le duc d’Orléans la remarque, et lui fait la commande par Cuvillier-Fleury, de quatre vues de Marseille pour son album. La commande de l’Altesse est connue. Les Marseillais s’arrachent les aquarelles du jeune peintre, les élèves pleuvent. Il quitte son bureau, et se met à vivre de ce qu’il gagne.

Cependant Rome est toujours à l’horizon de ses rêves. Il se dit qu’il faut gagner la somme pour y aller ; il la gagne. Il est possesseur de dix-huit cents francs. Il ferme boutique, et part avec un ami… Il s’est arrêté à Nice, il doit partir le lendemain. Il est en train de faire un croquis dans une rue. Un monsieur s’approche, le complimente sur ce qu’il dessine joliment, et malgré les rebuffades de l’artiste, lui demande s’il ne voudrait pas faire quelques vues pour lui. Il allait refuser, quand le monsieur, en le priant de passer à son hôtel, le lendemain, lui remet sa carte, portant le nom de duc de Devonshire.

Le duc le prend en affection, le patronne près de la société, le donne comme maître de dessin à la grande-duchesse de Bade, se trouvant, en ce moment, à Nice. Il gagne de l’argent gros comme lui, qu’il