Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/53

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Samedi 16 mars. — Une sœur de Théo parlait de l’effet hallucinatoire produit chez elle par les senteurs d’un champ de fèves, et des rêves troubles que ce champ lui faisait monter au cerveau, toute éveillée qu’elle était. Théo, sortant de sa somnolence, dit : La fève est la plante qui touche le plus à l’humanité. Vous savez qu’elle se retourne dans la terre. Pythagore la considérait si bien comme quelque chose en dehors de la végétation ordinaire, qu’il la proscrivait comme de la viande.

Lundi 18 mars. — Aujourd’hui, à l’exposition de Regnault, au milieu de l’admiration enthousiaste de tout le monde, mon admiration qui a précédé celle des autres, baisse d’un cran. Il est pour moi définitivement un décorateur plutôt qu’un peintre.

De là, je suis entraîné chez Fantin. Il y a, dans le fond de l’atelier, une immense toile représentant une apothéose réaliste de Baudelaire, de Champfleury, et il y a sur un chevalet une immense toile représentant une apothéose des Parnassiens, apothéose où se trouve au milieu un grand vide, parce que, nous dit le peintre, tel et tel n’ont pas voulu être représentés à côté de confrères, qu’ils traitent de m…, de voleurs.

Au fond une peinture qui a de remarquables qualités, mais manquant un peu de consistance, une peinture comme légèrement voilée par les fumées,