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de la pièce. Il est neuf heures et l’on dîne. J’entends la voix de Hugo se mêler aux rires des femmes, au bruit des assiettes.

Il quitte poliment le dîner, et vient me trouver. En homme d’intelligence polie, il me parle dès d’abord de la mort, qu’il considère comme n’étant pas un état d’invisibilité pour nos organes. Il croit que les morts aimés nous entourent, sont présents, écoutent la parole qui s’occupe d’eux, jouissent du souvenir de leur mémoire. Il finit en disant : « Le souvenir des morts, loin d’être douloureux, est pour moi une joie. »

Je le ramène à lui, à Ruy-Blas. Il se plaint de la demande, qui lui est faite d’une nouvelle pièce de son répertoire. La répétition d’une pièce, ça l’empêche d’en faire une autre, et comme, dit-il, il n’a plus que quatre ou cinq années à produire, il veut faire les dernières choses qu’il a en tête. Il ajoute : « Il y a bien un moyen terme, j’ai des amis excellents et très dévoués, qui veulent bien s’occuper de tout le détail, mais tous les mécontents, tous les non-satisfaits de Meurice et de Vacquerie, en réfèrent à moi, me dérangent. Au fond il faudrait s’éloigner. »

Puis il parle de sa famille, de sa généalogie lorraine, d’un Hugo, grand brigand féodal, dont il a dessiné le château, près de Saverne, d’un autre Hugo, enterré à Trèves, qui a laissé un missel mystérieux, enfoui sous une roche appelée « la Table » près de Saarbourg, et qu’a fait enlever le roi de Prusse.

Il raconte longuement cette histoire, la semant de