Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/71

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femme galante, devenue dévote, sur le juif avec lequel elle vit. Elle disait à une amie : « Tu ne sais pas, comme maintenant il est charmant… comme il est doux, même quand il est malade… et puis, comme il est bon pour le bon dieu ! »

Mardi 11 juin. — Ce soir, l’ancien dîner de Magny, réduit par le dîner, que donne au-dessous de nous, Hugo, pour la centième représentation de Ruy-Blas, se relève et ressemble presque à un de nos bons dîners, du temps de Sainte-Beuve. On y remue et on y agite les plus grosses questions. On parle des Troglodytes ; de fragments générateurs de métaux, rapportés du Groënland, et qu’expérimente dans le moment Berthelot ; de statues égyptiennes du troisième siècle, découvertes dans une pyramide, et démontrant, comme moderne, l’introduction du hiératisme dans l’art égyptien. On parle de grandes civilisations ayant une littérature, et n’ayant ni art, ni industrie, ainsi que la civilisation brahmane, disparue sans laisser de trace matérielle. On parle de l’insénescence du sens intime et des trois moi de je ne sais quel savant. On parle des cerveaux de Sophocle, de Shakespeare, de Balzac.

On parle enfin du refroidissement du globe, dans quelques dizaines de millions d’années. C’est l’occasion pour Berthelot, de peindre pittoresquement la retraite dans les mines des derniers hommes, avec