Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sonnes et leurs hommes, s’il voulait tenter une sortie, s’il voulait se frayer un passage, au moment où il abordait l’Empereur sur la route de Mézières, un obus éclata entre lui et le cheval de l’Empereur, tuant du monde à droite et à gauche, et lui enlevant à lui, Mitchell, un morceau de son soulier : « L’Empereur, dit-il, resta impassible, il était beaucoup moins ému que moi ! »

Dans le bruit des paroles des gens qui parlent ici pour ne rien dire, de bouches qui prudhommisent ou hystérisent des lieux communs, ainsi que celle d’Aubryet, c’est une bonne fortune de rencontrer un causeur à la parole judicieuse, relevée d’une pointe d’ironie parisienne.

Lundi 10 juin. — Je suis, ce soir, au chemin de fer, à côté d’un ouvrier complètement saoul, qui répète à tout instant : « Non, je ne la foutrais pas, quand on me donnerait tout Paris… oui tout Paris, non je ne la foutrais pas ! » Et ce rabâchage, un peu bredouillant, est coupé de petits rires intérieurs, et d’imitations de vagissements d’enfants à la mamelle. L’on pardonne à cet Alsacien, dont la tendresse de la saoulerie va à son enfant, à sa petite fille.

Mardi 11 juin. — Un adorable mot d’une vieille