Page:Goncourt - Journal, t6, 1892.djvu/29

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tretenait de l’incertitude de la mort qui attendait chacun. Axenfeld déjà souffrant, d’abord silencieux, se levant tout à coup et dominant les paroles tumultueusement confuses : « Moi, s’écriait-il, je mourrai du cerveau », — et il se mettait à raconter sa mort, telle qu’elle arriva. Se tournant vers son voisin de droite, et le regardant avec l’œil perçant et profond des grands diagnostiqueurs, il lui disait : « Toi, tu mourras de ça, et comme ça, » lui détaillant longuement et presque méchamment, les souffrances de sa fin. Puis se retournant vers son voisin de gauche, il lui prophétisait, dans un épouvantable récit, sa mort.

Les dîneurs étaient dégrisés.

Samedi 23 février. — Je dîne chez de Nittis, qui, la semaine dernière, est venu voir mes dessins.

C’est le petit hôtel, le domestique en cravate blanche, l’appartement au confort anglais, où l’artiste se révèle par quelque japonaiserie d’une fantaisie ou d’une couleur admirablement exotique. Et de Nittis a chez lui des foukousa qui font les plus claires et les plus gaies taches aux murs. Il y a entre autres des grues d’une calligraphie baroque sur un fond rose groseille, une vraie joie des yeux.

On dîne : un dîner commençant par un macaroni, que de Nittis cuisine lui-même, en sa qualité de Napolitain, et finissant par un pudding anglais. Sa