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Jeudi 16 janvier. — Triste, triste cette journée, comme l’un de ces matins de sa jeunesse, où, au sortir du bal masqué, l’on a couché avec une femme, qui n’avait pas de drap à son lit, et où, au jour levant, on est entré voir l’enterrement d’un pauvre, dans l’église en face.

Samedi 18 janvier. — Première de l’Assommoir. Un public sympathique, applaudisseur, au milieu duquel les inimitiés sourdes n’osent pas se produire. Comme les années changent les générations. Dans un retour triste sur mon frère, je ne peux m’empêcher de dire à Lafontaine, rencontré dans un corridor : « Ce n’est pas le public d’Henriette Maréchal. » Tout est accepté, claqué, et seuls, au dernier tableau, deux ou trois coups de sifflet, timides, peureux : c’est toute la protestation dans l’enthousiasme général.

En sortant de la représentation, Zola nous demande, le nez en point d’interrogation, d’une voix dolente, si la pièce a vraiment réussi. Il a passé toute la représentation, dans le cabinet de Chabrillat, à lire un roman quelconque, trouvé dans sa bibliothèque, n’osant se montrer aux acteurs, que la veille, à la répétition, dit-il, sa mine désolée glaçait.

Nous nous rendons en troupe avec le ménage Daudet, chez Brébant, où Chabrillat a fait préparer un souper pour ses amis et les amis de Zola. Il y a là