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Dimanche 7 février. — Dans un dîner d’hommes politiques, chez Charpentier, Floquet racontait, qu’en 1852, la première année de son stage, ayant loué un appartement rue de la Ferme-des-Mathurins, le bâtonnier des avocats, lui avait dit qu’il perdait son avenir, en se logeant dans un quartier aussi perdu : — l’homme du barreau ne pouvant pas dépasser la rue Neuve-des-Petits-Champs.

À ce dîner, le colonel Yung disait que l’intelligence de Mac Mahon, — reconnue par tous assez médiocre — fouettée par la mitraille, s’éclairait, grandissait, devenait surprenante, tandis que celle de Bourbaki, cependant d’une valeur héroïque, se perdait, tombait en enfance.

Mercredi 10 février. — Ce soir, l’espèce de fébrilité inquiète, avec laquelle Bourget m’entretient de son roman, des chances de sa réussite, des probabilités de sa vente, me le fait prendre en pitié, et une pitié pas hostile. Ah ! le pauvre garçon n’a pas la hautaine indépendance d’un contempteur carré, d’un je m’en foutiste. On sent chez lui un respect trop révérencieux pour les sentiments, les préjugés, les religions des mâles et des petites femelles du monde, au milieu desquels il vit.

Jeudi 11 février. — Pensez-vous à la grande machine de guerre, que ce serait en ce moment contre