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même temps, que la douloureuse méfiance qui lui était venue à lui, de son talent.

Mercredi 24 mars. — Bourget sur un bout de divan, dans un coin de salon de la princesse, me conte une de ces vivantes et spirituelles biographies d’excentriques, que sa parole sait si alertement enlever.

Aujourd’hui c’est le tour de Rollinat, du macabre, ainsi qu’on l’appelait, et chez lequel l’a mené Ponchon. Un hôtel étrange, un hôtel donnant l’impression d’une localité, choisie par Poe pour un assassinat, et au fond de cet hôtel, une chambre, où parmi les meubles traînaient des vers écrits sur des feuilles à en-tête de décès, et dans cette chambre une maîtresse bizarre, et un chien rendu fou, parce qu’on le battait, quand il se conduisait en chien raisonnable, et qu’on lui donnait du sucre, quand il commettait quelque méfait, — enfin le locataire fumant une pipe Gamba, à tête de mort.

Bourget avait passé une soirée musicale inénarrable, en compagnie de la maîtresse bizarre, du chien détraqué et de l’artiste macabre.

Jeudi 25 mars. — Je disais aujourd’hui à Daudet, que son intimité m’avait donné une seconde jeunesse de l’esprit, qu’il était, après mon frère, le seul être