Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/127

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de l’humanité, il y a par-ci, par-là, chez quelques individus de beaux mouvements de générosité. Huysmans me contait, qu’un Hollandais d’une maison de commerce de Hambourg, épris de naturalisme, et combattant pour nous dans les journaux de là-bas — et notez un homme qui ne connaissait pas Robert Caze — lui avait écrit, qu’ayant appris que Robert Caze était très malade, et que sachant d’autre part, qu’il n’était pas dans une position fortunée, il le priait de s’aboucher avec quelqu’un de la famille, de lui demander quelle somme pouvait lui être nécessaire, s’engageant à envoyer aussitôt sur Paris un chèque de la somme demandée.

Nous nous asseyons un moment à un café du boulevard, et sur le nom d’Hetzel, prononcé à côté de nous, Huysmans me parle de ses débuts.

Il me raconte que lorsque son Drageoir d’Épices avait été refusé par tous les éditeurs, sa mère, qui, par son industrie, avait des rapports avec Hetzel, lui avait proposé de porter son manuscrit à Hetzel.

À quelques jours de là, Hetzel lui faisait dire de passer chez lui, et dans une entrevue féroce, lui déclarait qu’il n’avait aucun talent, n’en aurait jamais, que c’était écrit d’une manière exécrable, qu’il recommençait la Commune de Paris dans la langue française, qu’il était un détraqué de croire, qu’un mot valait plus qu’un autre, de croire qu’il y avait des épithètes supérieures… Et Huysmans me peignait l’anxiété que cette scène avait mise dans le cœur de sa mère, pleine de confiance dans le jugement de l’éditeur, en