Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/167

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sa visite. Le médecin était marié, et avec le ménage, vivait un monsieur, qui avait l’air de mener toute la maison.

Enfin un soir, Louis Blanc devant partir le lendemain de très grand matin, fait ses adieux au médecin, et le remercie chaudement de son amicale hospitalité. Le médecin le regarde dans les yeux, et lui dit à brûle-pourpoint : « Qu’est-ce que vous avez remarqué ici ? » Phrases banales de Louis Blanc sur le charme de la maison. L’autre l’interrompt, s’écriant : « Allons, vous avez bien vu ce que cet homme est ici ! » Et il sort de sa bouche un flot de paroles colères, qu’il termine ainsi : « Oui, cet homme me tue… me rend tout impossible… je ne vous parlais pas de ce journal, parce que je voulais en faire un livre… mais je sens que, lui là, je ne pourrai jamais le faire… Vous me paraissez un galant homme. Mon manuscrit, je vous le donne… Faites-en ce que vous voudrez. »

C’est ainsi que l’exaspération du cocuage, chez un mari bonasse, mit, aux mains de Louis Blanc, ce précieux document.

Jeudi 9 décembre. — Au Musée du Louvre. Tous les chefs-d’œuvre anciens, où les critiques voient du soleil, de la chair illuminée de lumière, m’ont paru bien tristes, bien blafards, bien noirs, et d’un artifice d’art bien surfait. Cette humanité peinte me semblait une figuration d’hommes et de femmes, ayant la jaunisse dans la demi-nuit d’une cave.