Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/199

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ciels, lui disant que l’effet produit par un ciel sur un humain, est une impression vague, diffuse, poétiquement immatérielle, si l’on peut dire, et ne pouvant être traduite qu’avec des vocables, sans détermination, bien arrêtée, bien précise, et qu’avec ses qualifications rigoureuses, ses mots techniques, ses épithètes minéralogiques, il solidifiait, matérialisait ses ciels, les dépoétisait de leur poésie éthérée… Rosny m’a répondu, avec l’assurance vaticinatrice d’un prophète, que dans cinquante ans, il n’y aurait plus d’humanités latines, et que toute l’éducation serait scientifique, et que la langue descriptive qu’il employait, serait la langue en usage.

Lundi 28 mars. — Un portrait de femme. En robe de chambre de soie claire, et molle, et bouffante, et garnie de haut en bas de gros nœuds floches, elle est paresseusement enfoncée dans un profond fauteuil, avec la mobilité fiévreuse de ses deux yeux de velours noir, avec la coquetterie des poses maladives, et ayant sur ses genoux une caniche noire, aux pattes montrant la ténuité d’une petite serre d’oiseau.

Et le décor est charmant autour de la femme. Sur un panneau, en face d’elle, se trouve un splendide Nattier, qui représente une grande dame de la Régence, en son volant costume de naïade, s’enlevant au-dessus d’une forêt de roseaux, et sur le milieu de la cheminée, contre le marbre de laquelle la maî-