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l’heure présente, ils nous l’ont prise, en la mâtinant très fort de Poe. Et l’homme qui a le mieux servi cette hostilité du classicisme et du romantisme, a été M. de Vogüé, qui a attribué à une littérature étrangère, une originalité qu’elle n’avait pas, et lui a apporté une gloire, qui nous était légitimement due.

Aussi a-t-il bien mérité de l’Académie, qui l’appellera, selon l’antique formule, prochainement dans son sein[1].

Jeudi 13 septembre. — Retrouvé ce soir, chez Daudet, Sivry le musicien, que j’avais rencontré autrefois chez Burty. Le blanc de l’œil brillant, fiévreux, avec quelque chose de fou dans toute l’allure du corps, mais dans cette tête de toqué, une immense mémoire musicale des musiques de tous les pays et de tous les temps, avec une prédilection pour les chants populaires, pour les chants des provinces françaises, qu’il a récoltés en grande partie, dit-il, chez les bonnes, qu’il a eues à son service.

Et il nous exécute un chant de prisonnier de la prison de Nantes, la prison de Carrier sous le règne de la guillotine, dont l’orchestration inspirée par le son des cloches, a un grand caractère.

Puis, il nous joue des pavanes, des passacailles, des

  1. C’était vraiment pas mal prophétisé. Trois mois après, le 22 novembre 1888, M. de Vogüé avait le fauteuil.