Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/323

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qui invite Porel à venir à Rochefort, et à travailler à la pièce, à eux deux.

On descend dans la salle. Ce n’est point encore la répétition de la censure, comme on l’avait décidé. Cette répétition est remise à lundi, et la pièce reculée à mercredi. La pauvre Réjane, cause de ce retard, n’arrive qu’à deux heures. Elle a dû se faire donner un coup de lancette dans la bouche, et a eu à la suite du coup de lancette, une crise de nerfs, et est obligée de jouer, le cou et la tête tout empaquetés.

Il est amusant ce Loti, sous sa gravité de pose et de commande, avec l’éveil, par moments, de ses yeux éteints devant cette cuisine du théâtre ; et sa vue semble jouir délicieusement de la montée des décors, de l’abaissement des plafonds, et ses oreilles se pénétrer curieusement de l’argot de la machination. Et, on le voit avec quelque chose d’un provincial, amené dans les profondeurs intimes du théâtre, se frotter aux hommes et aux femmes de l’endroit, attiré, séduit, hypnotisé. Un moment cependant le marin se révèle, et sur les récriminations et les rebiffements des machinistes, il laisse échapper : « On voit que ce ne sont pas des soldats, la manœuvre ne se fait pas au sifflet ! »

Devant le jeu de Mme Raucourt, un peu grisée par les compliments, soulignant trop la méchanceté noire de son rôle, il s’écrie : « Vous êtes heureux qu’on ne vous joue pas dans un port de mer, les marins monteraient sur le théâtre, battre Mme Jupillon et son fils. »