Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/72

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belle causerie sur le théâtre, où l’on a dit que les deux grands théâtres humains, étaient ceux de Shakespeare et de Molière, et que, peut-être, ils devaient leurs qualités, à ce que les auteurs étaient des acteurs, habitués à faire du théâtre debout, et dont les pièces étaient faites d’après la mise en scène.

Là-dessus Geffroy est reparti pour faire la cuisine du numéro de la Justice de demain, et Céard resté avec nous, est revenu dîner à Champrosay.

Dîner après lequel, je ne sais comment, on s’est mis à parler des pourquoi de la vie. C’est étonnant comme sur ces culs-de-sac transcendantaux, on se sent inférieur, parlant comme tout le monde, pas mieux que des enfants. Et après le départ de Céard, je ne pouvais m’empêcher d’avouer l’espèce d’humiliation, de tristesse que j’avais ressentie de notre infériorité en ces questions, nous qui, à propos de toutes autres choses, trouvons des idées personnelles, des dires originaux.

Lundi 10 août. — Ce matin, Daudet entre dans ma chambre, pendant que je fais ma toilette. Il me dit qu’il a éprouvé, cette nuit, des souffrances intolérables, que vraiment avec lui, la douleur est trop cruelle, trop méchante, que dans ces moments de souffrance, au delà de ce qu’on peut supporter, il lui vient l’idée d’en finir, que malgré lui, il calcule le nombre de gouttes d’opium qu’il faut pour cela… et