Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/84

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La petite ville de Provence, sous ses grands platanes, ses auvents d’habitations tapissées d’une plante grimpante, ses portes aux portières de toile. Et dans ces rues abritées de verdure, les pittoresques perspectives que font ces platanes, dont l’enchevêtrement au-dessus du va-et-vient de la circulation, a quelque chose de l’entre-croisement de pierre d’une nef ogivale. C’est mieux que « l’Allée de châtaigniers » de Théodore Rousseau, ces allées de platanes avec les tons blanchâtres de leurs troncs, le contournement architectural de leurs branches, les zigzags de soleil jouant dans le vert pâle de la feuille, avec enfin, la population aux couleurs voyantes, éclaboussée de lumière, qui marche sous la voûte doucement ombreuse. Et penser que, pas un paysagiste, ayant un nom, n’a eu l’idée de faire un tableau d’une de ces rues-boulevards.

Soudain sous ces grands arbres — spectacle charmant — a débouché, pour la danse, en plein air de la nuit, une queue interminable de danseurs et de danseuses, marchant deux à deux, avec des allures un peu théâtrales : — les filles coquettement provocantes dans cet idéal costume arlésien, qui donnerait à défaut de beauté, de la joliesse aux plus laides.

Mercredi 30 septembre. — Lamanon. Encore une ville abandonnée sur une cime rocheuse, une ville que l’on croit avoir été creusée dans la pierre, par