Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/86

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son Midi. L’amusant c’est qu’il combat ces petits excès de gueule avec quelques gouttes de laudanum tirées d’une petite fiole, qu’il porte toujours sur lui, et qui vient de jeter l’effroi dans le buffet d’une gare, où l’on nous a pris pour un convoi de cholériques. Et, ma foi, je me suis mis à son régime, et maintenant si nous prenons, par hasard, une absinthe, nous la prenons au laudanum.

Vendredi 2 octobre. — … Visite au château des papes, à la nuit tombante. Exploration au pas accéléré, de l’immensité mystérieuse et limbique du palais, par des ténèbres, où il y a encore un peu de l’évanouissement jaune du soleil.

Des cours profondes comme des puits, des corridors interminables, des escaliers dont on ne peut compter les marches, puis soudain, des peintures ingénues et barbares, imparfaitement entrevues en un angle de plafond, soudain encore, un trou de lumière : une fenêtre avec son banc de pierre s’ouvrant au-dessus d’une ville de clochers roses sur un ciel mauve — et dans la trouble rêverie de votre esprit entre ces murs, revenant le souvenir du massacre, de la sanguinaire tuerie de 93.

Et au passé ecclésiastique, le présent se mêlant avec la clameur des appels militaires, montant des cours, comme un bruit de mer, avec ces soldats-fantômes, dans leur entoilement gris, dégringolant