Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/106

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Lundi 14 octobre. — Hier Léon Daudet, annonçant préparer une thèse sur l’amour, qu’il qualifie de névrose, et disant : « Oh ! c’est absolument positif, ça commence par les lobes frontaux et ça va… — Arrête-toi, lui dis-je, il y a des dames ! »

En sortant de table, une curieuse conversation sur la ressemblance des commencements de l’aventure de Boulanger avec les commencements de l’aventure de Jules César, telle qu’on la lit dans Plutarque. Puis la conversation monte à l’idée différente que se font du cerveau, le Français, l’Anglais, l’Allemand, et à la description qu’en fabrique le Français avec le concept logique de son esprit, l’Anglais avec ses qualités à la fois de synthèse et d’observation du détail, l’Allemand avec l’abondante diffusion et l’éparpillement de ses idées sur chaque circonvolution.

Mardi 15 octobre. — À l’Exposition. Antiquités cambodgiennes. Ces monstres à bec d’oiseau, qui ont l’air d’appartenir à une période d’êtres plésiosauriques, ces sphinx en forme de cynocéphales, ces éléphants à l’aspect d’énormes colimaçons, ces griffons qui semblent les féroces paraphes d’un calligraphe géant en délire ! Et au milieu de l’ornementation de queues de paon, d’yeux de plumage, ces attelées d’hommes à la pantomime inquiétante, et ces danseuses, aux formes de fœtus, coiffées de tiares, au rire héliogabalesque. Oh ! ce rire dans ces bouches