Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/119

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Il parle comme autrefois, et semble, par miracle, être revenu à la lucidité de l’intelligence, à la clarté de la parole ; toutefois de son individu qui porte sur son front une grande fatigue, s’échappe une profonde mélancolie.

Il n’a plus de relations avec personne, ni avec sa fille, ni avec son gendre, ni même avec les Charcot, et il paraît vouloir me faire entendre, que sa séparation date avec eux de la première de Germinie Lacerteux. Enfin il ne voit plus âme au monde, mange chez lui, se couche à neuf heures, affirmant qu’il n’a pas de maîtresse.

Cet aveu est jeté dans une suite de paroles qui ont un rien d’illuminisme, paroles accompagnées de petits gestes rétrécis : « Les relations sont fugaces, dit-il, et trop pleines de heurts des tempéraments divers… On n’est rien dans la durée du temps… » et comme il n’a ni l’ambition, ni l’amour de l’argent, il ne veut plus dans la vie que les jouissances rapides et effleurantes, données par la contemplation des objets d’art.

Et comme je lui demande, s’il ne travaille pas à une volumineuse chose sur le Japon, il me coupe avec un : « Non, non !… une longue application m’est défendue depuis ma maladie. » Et revenant aux jouissances qu’il éprouve encore, il cite la conversation avec un être qui a l’intelligence des choses qu’il aime, et il finit en me demandant d’une voix caressante, et presque humble, de l’inviter à déjeuner.

Et malgré moi, je suis touché, et je sens qu’à travers l’abominable jalousie qu’il a eue de moi, toute