Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/132

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molosses qui m’énervent, et m’ont empêché des nuits entières de dormir, et si je n’avais retrouvé les volets intérieurs que j’ai fait faire pour mon frère, pendant sa maladie, je serais obligé d’aller coucher dehors. Ah ! le bruit va-t-il être le tourment agaçant de mes dernières années ? Oh ! le bruit, le bruit, c’est la désolation de tous les nerveux dans les centres modernes ! Mercredi dernier, Maupassant qui vient de louer un appartement avenue Victor-Hugo, me disait qu’il cherchait une chambre pour dormir, à cause du passage devant chez lui des omnibus et des camions.

Au dîner, où on causait littérature, et où des parleuses me jetaient ingénument : « Mais pourquoi voulez-vous faire du neuf ? » Je répondais : « Parce que la littérature se renouvelle comme toutes les choses de la terre… et qu’il n’y a que les gens qui sont à la tête de ces renouvellements, qui survivent… parce que, sans vous en douter, vous n’admirez, vous-même, que les révolutionnaires de la littérature dans le passé, parce que… tenez, prenons un exemple, parce que Racine, le grand, l’illustre Racine a été chuté, sifflé par les enthousiastes de Pradon, par les souteneurs du vieux théâtre, et que ce Racine avec lequel on éreinte les auteurs dramatiques modernes, était en ce temps un révolutionnaire, tout comme quelques-uns le sont aujourd’hui. »

Jeudi 16 janvier. — Pillaut avec son dilettantisme