Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/223

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dans une longue, vague et diffuse conversation, ressemblant à sa peinture, et avec sa voix étoupée, m’a entretenu longtemps de son mépris pour le chatoyant en peinture, et de ses efforts et de son ambition pour attraper les fugitivités de l’expression d’une figure, de son travail enfin, acharné et sans cesse recommençant, pour tâcher de fixer un peu du moral d’un être sur une toile.

Puis il nous entretient de ses longs mois de captivité à Dresde, et est amusant dans la peinture de ses camarades, qu’il nous représente en leur blouse bleue et leurs sabots, tout semblables à des facteurs ruraux l’été — et cela pendant qu’il gelait à pierre fendre. Il nous renseigne aussi sur la médiocre nourriture qu’on leur donnait dans les premiers temps, qui était de la soupe au millet. Il a dans le récit un comique froid, particulier et assez désarçonnant pour les interrogations ingénues, et comme il déclarait qu’au fond les prisonniers n’avaient pas eu à se plaindre des Allemands, et qu’une dame, qui se trouvait là, lui disait : « — Alors on a été très aimable avec vous ? — Oh ! Madame, on n’est pas aimable avec 25 000 hommes ! »

Mardi 24 février. — Ce matin, à propos du patriotisme de Renan, je reçois une carte postale signée : « Un patriote français vainqueur à Coulmiers (9 novembre 1870) me disant : “L’article du 15 septem-