Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/243

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volantes derrière elle, et coiffée les cheveux très relevés sur la tête, et surmontés d’un haut peigne en écaille blonde, dont la couronne de boules fait comme un peigne héraldique. Là dedans, au milieu de ce mobilier d’un autre siècle, l’ovale délicat de son pâle visage, ses yeux noirs doux et profonds, la sveltesse de sa personne longuette, lui donnent quelque chose d’une apparition, d’un séduisant et souriant fantôme ; caractère que je retrouve dans son portrait pastellé par Helleu.

Elle est très au courant de ce qui s’imprime, et de ce qui s’imprime de très littéraire, et elle en parle avec simplicité, sans le moindre étalage de bas-bleu. Elle veut bien me dire le plaisir qu’elle éprouve à me lire, et son étonnement de la résistance à l’admiration pour mes livres, dans sa société. Elle est émerveillée de la connaissance que j’ai de la femme, et me cite le passage, où je décris le côté ankylosé que prenait le côté droit ou le côté gauche de la Faustin, quand ce côté se trouvait près d’un embêtant, déclarant qu’elle sent en elle, comme une dilatation de son être près d’une personne sympathique. Elle ajoute, que je devrais bien faire dans un roman une femme de la société, une femme de la grande société, la femme qui n’a encore été faite par personne, ni par Feuillet, ni par Maupassant, ni par qui que ce soit, et que moi seul — c’est la comtesse qui parle — je pourrais faire, et que je n’ai pas faite dans Chérie, parce que Chérie est une jeune fille de la société de l’Empire, une jeune fille de cette société