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Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/65

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Jeudi 23 mai. — La Parisienne, un moment, n’aimait, ne connaissait que les couleurs franches — des couleurs toujours un peu canaille pour un œil artiste. Enfin un jour, elle est passée aux couleurs que l’on appelle fausses, mais aux couleurs fausses fabriquées par l’Orient, à l’adorable rose turc, au délicieux mauve japonais, etc. Aujourd’hui elle a adopté les couleurs fausses, fabriquées par le Septentrion saxon, et ce sont d’épouvantables nuances que ces verts pousse de panais, ces rouges bisque d’écrevisse, ces jaunes bruns des vieux Rouen.

Vendredi 24 mai. — Quel coup les artistes sont en train de monter aux bourgeois avec les danseuses javanaises ? Cette danse n’a rien de gracieux, de voluptueux, de sensuel, elle consiste tout entière dans des désarticulations de poignets, et elle est exécutée par des femmes dont la peau semble de la flanelle pour les rhumatismes et qui sont grasses d’une vilaine graisse de rats nourris d’anguilles d’égouts.

Dimanche 26 mai. — Une classe curieuse que les tout derniers éditeurs de l’heure actuelle, des éditeurs qui sont des commerçants, ayant fait leur fortune dans des industries ou des négoces inférieurs, et qui, sans aucune connaissance de la partie, croient se relever de leur passé, et anoblir leur avenir par le débit de productions de l’intelligence.