Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/68

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thé, l’autre au régime du vin et de l’alcool, et qu’il étudiât sur lui les influences de ces excitants sur sa littérature, et qu’il en fît part au public.

Si j’étais un journaliste, voici l’article que je ferais :

Personne plus que moi, et avant tout le monde, n’a loué d’une manière plus haute le talent de Millet (citations de Manette Salomon et de mon Journal). Eh bien, devant l’espèce de religion qui est en train de se fonder en Amérique, il est bon de dire la vérité. Millet est le silhouetteur, et le silhouetteur de génie du paysan et de la paysanne, mais c’est un pauvre peintre, un peintre au coloris tristement glaireux. Au fond, le vrai talent de Millet est d’être un fusiniste, un dessinateur au crayon noir avec des rehauts de pastel, le dessinateur styliste de la « Batteuse de Beurre » et de tant d’autres dessins. Voici ce que les Français doivent acheter ; — quant aux tableaux, il faut les laisser aux Américains.

Lundi 10 juin. — Tout ce roulement précipité, tout cet enchevêtrement de voitures sur la voie publique vers l’Exposition : ça me semble les galères de l’activité.

Je passe au panorama de Stevens, qui m’a demandé à retoucher mon portrait, et qui, me faisant remarquer qu’il m’a représenté, dominant le groupe naturaliste, me dit : « Ça embête des gens, mais j’ai voulu vous mettre là, comme le papa ! »