Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/80

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ses dix-sept ans, il tombe à Paris pour faire son droit, mais n’est occupé qu’à faire la noce. Vers ce temps-là, Dugué de la Fauconnerie fonde l’Ordre, et l’appelle au journal, et il a le souvenir — lui qui vient d’écrire la notice de l’exposition de Monet — que son premier article, fut un article lyrique sur Manet, Monet, Cézanne, avec force injures pour les académiques : article qui lui fit retirer la critique picturale. Il passe à la critique théâtrale, mais ses éreintements sont entremêlés de tant de demandes de loges pour des femmes légères, qu’au bout de quelques mois, il avait fâché le journal avec tous les directeurs de théâtre.

Là, quatre mois de vie étrange, quatre mois à fumer de l’opium. Il a rencontré quelqu’un de retour de la Cochinchine, qui lui a dit que ce qu’a écrit Baudelaire sur la fumerie de l’opium, c’est de la pure blague, que ça procure au contraire un bien-être charmant, et l’embaucheur lui donne une pipe et une robe cochinchinoise. Et le voilà pendant quatre mois, dans sa robe à fleurs, à fumer des pipes, des pipes, des pipes, allant jusqu’à cent quatre-vingts par jour, et ne mangeant plus, ou mangeant un œuf à la coque toutes les vingt-quatre heures. Enfin il arrive à un anéantissement complet, confessant que l’opium donne une certaine hilarité au bout d’un petit nombre de pipes, mais que passé cela, la fumerie amène un vide, accompagné d’une tristesse, d’une tristesse impossible à concevoir. C’est alors que son père, auquel il avait écrit qu’il était en Italie, le découvre, le tire