Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/94

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gnonnant, mais le plus brave homme de la terre, me racontait interminablement toujours, je ne sais quelle bataille, où l’action terminée, n’ayant rien pour s’asseoir, ils avaient mangé assis sur des cadavres d’ennemis.

Au milieu de ces récits, arrivait ordinairement, pour la troisième tournée, mon oncle, l’ancien officier d’artillerie, qui, marchant le premier avec son gros dos rond et son pas lourd, donnait la liberté aux oisillons qui n’avaient pas les pattes cassées, silencieux, et sans donner la réplique à la grondante mauvaise humeur de Chapier.

Chapier c’était le jardinier, le garde, l’organisateur de la tendue, le domestique mâle à tout faire de la maison pour un gage de 300 francs. Il était le mari de Marie-Jeanne, la cuisinière, celle dont mon grand-père avait longtemps comprimé les ardeurs conjugales, en la faisant tremper dans la pièce d’eau de Sommerecourt. Chapier est le père de Mascaro, surnom donné dans la famille à son fils, qui tout en doublant son père eut la permission d’établir à côté de la maison, un petit commerce de mercerie et de vente d’almanachs, qui le fit riche à sa mort, de 800 000 fr., et il est le grand-père du Chapier actuel, possesseur de plusieurs millions, et brasseur de grandes affaires, entre autres de la concurrence aux eaux de Contrexéville.

Mon cousin Marin a donné, ces jours-ci, l’hospitalité pour les grandes manœuvres, à un de ses amis, à M. O’Connor, lieutenant-colonel de dragons : un militaire