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Lundi 9 septembre. — Des rejets dans de petits sentiers à travers le bois, au loin au loin : une perspective de raquettes de coudrier, aux béquilles basculantes, s’offrant perfidement au sautillement voletant des oiseaux. Je suis tombé dans la tendue.

Oh ! que de souvenirs des bonnes journées de mon enfance, passées à Neufchâteau. Le départ à cinq heures. Une heure de marche, au bout de laquelle, on arrivait à un grand pré, qui avait presque toujours, çà et là, des taches d’un vert plus vivace que le reste de l’herbe, des taches qui étaient des places à mousserons, poussés la nuit, et qu’on cueillait dans la rosée. Puis les provisions déballées dans la cabane, le feu allumé et les pommes de terre dans un pot de fonte, on allait faire la première tournée, et la tournée était longue, car il y avait 1500 rejets, et les jours de passage, les allées étaient pleines, d’un bout à l’autre, de pauvres rouges-gorges, de pauvres rouges-queues, pris par les pattes, et battant désespérément des ailes. Je me rappelle une journée d’octobre, où nous avons pris dix-huit douzaines de ces petits oiseaux, et entre autres au moins une douzaine de rossignols à la petite croupe, qui est une vraie pelote de graisse. Le retour avec une faim de tous les diables, et le fricotage d’un morceau de viande dans les pommes de terre. Un long déjeuner. Une seconde tournée à midi, suivie d’un repos, où le garde qui était un vieux soldat de la garde impériale, un grand homme sec, toujours gro-