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n’y a plus d’humanité, d’animalité, de végétation, où plus rien n’est que glace et nuit, — et sur l’effroi du silence, qui règne dans ce monde glacé.

Mercredi 4 janvier. — Robert de Montesquiou, venu aujourd’hui chez moi, pour me remercier d’une lettre écrite à son sujet à la comtesse Greffulhe, devient bientôt expansif, me parle avec une horreur rétrospective de son enfance passée chez les jésuites de Vaugirard, me dit que ses premières années auraient eu besoin d’un bain-marie de jupes de femmes, au lieu des sales soutanes de ces prêtres, me conte qu’à l’âge de quatorze ans, faisant déjà des vers amoureux de la lune, un jour, en se rendant au réfectoire, où l’on mangeait de si mauvais veau, le gros jésuite qui les conduisait, lui avait jeté avec une ironie asthmatique, lueur rêveuse et blême, le morceau d’un vers sur la lune, que l’espionnage de l’endroit avait surpris en fouillant dans son pupitre, et que le sifflement méprisant de l’ironie de ce gros jésuite, l’avait fait se recroqueviller sur lui-même, et soigneusement en cacher la tendresse et l’exaltation.

Et Montesquiou m’entretient de son prochain volume de vers, qui sera tout entier consacré aux fleurs, et d’un pieux monument poétique, qu’il veut consacrer à Desbordes-Valmore.

Jeudi 5 janvier. — Antoine est venu déjeuner ce