Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/111

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matin, pour fixer le jour de la représentation de : À bas le Progrès. Il causait des misères autour de lui, misères auxquelles souvent il ne pouvait donner d’argent, mais qu’il allégeait en les faisant manger avec lui, et il me parlait d’une de ses gentilles actrices, qu’il soupçonnait d’être dans une débine atroce, parce que, disait-il, la pauvre fille a une âme de blanchisseuse, et n’est point une chevronnée, comme tant d’autres, et à son sujet, il me contait, une triste impression qu’il avait dernièrement éprouvée.

Un matin qu’il était venu la chercher, pour répéter, et qu’elle devait déjeuner avec lui, son petit bonhomme à l’allure débrouillarde, lui dit en riant : « Maman va bien déjeuner… tant mieux… car chez nous, on ne mange pas tous les jours » : phrase qui fit fondre en larmes, la mère.

Lundi 16 janvier. — Toute la journée, ce sont successivement dans le cerveau, ce sont des précipités d’espérance et de désespérance, qui se volatilisent, comme des gouttes médicinales dans un verre d’eau.

Au fond, je suis saoul du théâtre. Ça dérange votre vie, ça vous retire du vrai travail, ça vous agite bêtement, mauvaisement.

À huit heures, par une neige et une glace à ne pas savoir, si je ne serai pas obligé de coucher dans un hôtel de Paris — et seulement par un sentiment