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de se poser sur rien, elle est sous le coup d’un ahurissement, produit par ce mouvement perpétuel.

Vendredi 8 septembre. — Un continuateur de Shylock. Je lis dans la Tunisie française, ceci :

Un juge — et le récit est fait par le contrôleur civil de la région — dit à un Arabe assigné par un juif, en payement de 500 à 600 piastres.

— Pourquoi ne veux-tu pas payer ?

— Parce que je ne le puis pas… Quand j’ai emprunté, j’avais une maison, un jardin, un henchir, du bétail, aujourd’hui, cet homme a ma maison, mon jardin, mon henchir, mon bétail, et je lui dois encore plus que je lui ai emprunté.

— Tu vois bien, dit le juge, se tournant vers le juif, que ce malheureux n’a plus rien… Que veux-tu donc de lui ?

— Je veux, répliqua le juif, qu’il vienne travailler chez moi, sans salaire, jusqu’à ce qu’il se soit acquitté.

Lundi 11 septembre. — Il faut que ce soit vrai, qu’en vieillissant, on devient plus tendre à la souffrance de tout ce qui vit. Aujourd’hui, je suis entré dans la tendue, et arrivé à un rejet, où une mésange, les pattes brisées, se débattait, en jetant de petits