Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/206

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quel, il ne peut lui en fournir que la demi-douzaine par an, nous joue ces morceaux. Il les interrompt, de temps en temps, nous faisant face par une virevolte du tabouret du piano, et nous parlant de sa vie plantureuse de là-bas, des chevennes de trois livres, qu’il met bien ficelés à la broche, et dont il arrose la peau craquante d’une livre de beurre, avouant que pour lui « bien manger a son importance ». Et il se répand sur ses pitancheries, avec son curé rabelaisien, s’écriant à table : « Ah ! je ne sais pas comment on est là-haut, mais je me trouve bougrement bien ici ! »

Dans sa vie provinciale, Rollinat ne se plaint que des temps de neige qui l’emprisonnent chez lui, et il cite une année, où il a été enfermé quarante jours chez lui, et où pour se distraire, il s’est livré à de voluptueuses cuisines.

Il nous répète qu’il n’a jamais pu écrire à une table, que c’est en marchant dans la campagne, qu’il fait ses vers, et la carcasse musicale de sa musique, avant de la reprendre au piano.

Lundi 5 février. — Helleu qui recommence une pointe sèche, d’après moi, me raconte les premières années de sa vie d’artiste, et me parle d’affreuses pannes, de deux jours qu’il a passés sans manger, n’ayant que l’argent du modèle, d’après lequel il a travaillé, ces deux jours, fiévreusement, pour ou-