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de vous. Et comme je lui demande, si sa femme est vraiment aussi jolie qu’on le dit, il me répond qu’il n’en sait rien, que ces gens du nord, avec leur blondeur de chanvre, ont quelque chose d’effacé, quelque chose qui ne fixe pas le regard, quelque chose qui ne reste pas dans la mémoire. Le souvenir de ces êtres fond, dit-il, et il ne reste dans votre souvenir, que des réminiscences, pour ainsi dire, irréelles. Tout ce qu’il se rappelle du couple, à la façon d’une hallucination, c’est leur vision, un jour que le mari était tout en jaune, la femme tout en bleu de ciel : et ça, comme deux taches, dans un mauvais dessin de photographie en couleur.

Jeudi 19 avril. — Exposition Marie-Antoinette. Quelque chose portant sur les nerfs à cette exposition. On n’y entend que du français passant par le rauque gosier juif d’un Francfortois, et cette exposition prend le caractère d’une exposition israélite.

Dans une causerie avec Daudet, nous jugeons tous deux absolument de même le livre de Rosny (L’Impérieuse Bonté). Nous n’aimons pas l’imaginé du livre, le suicide de la femme, mais nous trouvons bien, très bien toute la reproduction de la réalité, que Rosny a rencontrée dans la vie, et nous le reconnaissons comme un grand et puissant analyste de la souffrance humaine.