Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/233

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min du local de la fête à mon hôtel est tout droit et tout court, et depuis que je suis dans cette ville, je l’ai fait tous les jours, mais je sors par une autre porte, et je m’égare dans un lacis de petites rues, au moment où la nuit commence à tomber. En battant des rues, des ruelles interminables, avec le sentiment que chaque pas m’éloigne de mon gîte, j’ai soudainement l’angoisse d’avoir oublié le nom de mon hôtel, sans pouvoir le retrouver, quelque effort que je fasse : angoisse horrible qui ne dure qu’un moment, il est vrai. Une chance extraordinaire, dans ce bout de ville, sans passants et sans réverbères, passe un monsieur, que je reconnais pour un voisin de table d’hôte, et qui à ma demande, me jette : « Hôtel du Conservatoire. » Mais il se dérobe aussitôt, à l’instar d’une apparition, sans me donner aucune indication, pour regagner l’hôtel. Mes yeux cherchent des voitures, mais à une petite place, où j’en trouve, les cochers sont introuvables.

Je me décide à entrer dans un café, où l’on est en train d’éteindre le gaz, et je demande le chemin de l’Hôtel du Conservatoire. À ce nom, tous les gens du café et le patron lèvent la tête, me regardent, en souriant gouailleusement : un sourire qui me fait comprendre, que c’est un hôtel qui jouit d’une mauvaise réputation, une sorte de maison de passe, et derrière moi une voix s’élève qui crie : « Oh ce monsieur qui est descendu à l’Hôtel du Conservatoire…, il ne sait donc pas, que le maître de l’hôtel a été sifflé au Cirque, il y a huit jours. » Je