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Mercredi 17 avril. — Ce soir, dans un coin de salon, Yriarte me racontait cette anecdote sur Balzac. Le vieil Hertford, le prisonnier de l’Empire, lit, sous Louis-Philippe, La Fille aux yeux d’or, croit reconnaître, dans le type qui a servi à Balzac, une fille qui avait passé dans ses orgies, en un des endroits, où il avait été interné, et demande à Jules Lacroix de le faire dîner avec l’auteur, à la Maison d’Or, où il l’invite. Le jour convenu, Lacroix arrive tout seul, disant qu’il lui a été impossible de le rencontrer. Mauvaise humeur d’Hertford, qui force Lacroix à s’excuser, sur ce qu’il est très difficile de rencontrer Balzac, affirmant que Hugo et ses amis ne correspondent avec lui, que par lettres. Hertford toutefois, avec le despotisme de ses caprices, s’entête à le voir, et enfin il est convenu, qu’il aura une entrevue avec le romancier, à une première de la Porte-Saint-Martin. Mais là encore, Lacroix arrive seul, dit que dans le moment, Balzac est menacé de Clichy, qu’il n’ose sortir que le soir, et que ces soirs, il les donne à sa maîtresse, à ses amis. Alors Hertford de s’écrier :

— Clichy… Clichy… qu’est-ce qu’il doit ?

— Mais une grosse somme, répond Lacroix, peut-être 40 000 francs, peut-être 50 000 francs… peut-être plus.

— Eh bien qu’il vienne, je lui paierai ses dettes.

En dépit de cette promesse, Hertford ne put jamais décider Balzac, à entrer en relations avec lui.

Jeudi 18 avril. — Ce soir, je fais la connaissance,