Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cinq ans, un quart de siècle déjà, que nous sommes séparés.

Au retour, je trouve le bateau plein, et pas un bout de banc pour m’asseoir, quand un monsieur me fait une place à côté de lui. Sur mon merci, il me répond, avec un aimable sourire : « C’est moi, qui vous remercie de m’avoir ouvert les yeux, d’en avoir fait tomber les écailles… j’étais tout à l’art ancien… c’est vous qui m’avez fait aimer le XVIIIe siècle. »

Il se refuse à me donner son nom, et cause jusqu’à Passy, d’une façon originale, en homme du métier, du bâtiment, déclarant qu’il n’y a que les époques ignorantes et pas éclectiques, pour produire de bonnes choses, des choses passionnées, tandis que dans les époques connaisseuses de tout, il y a une indifférence pour tout.

Samedi 22 juin. — Au fond, sous sa forme légère et badinante, il y a autant de philosophie dans la tirade parlée de Beaumarchais, que dans la tirade livresque du Scandinave Ibsen.

Jeudi 27 juin. — Dîner avec Rodenbach, chez Voisin. Il me dit avoir été élevé dans une école de jésuites, dont on avait voulu le renvoyer, pour avoir écrit, tout jeunet, quelque chose sur l’amour, puis