Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Jeudi 15 août. — Il est vraiment amusant, intéressant, ce Montesquiou, avec sa parole verveuse, son magasin d’anecdotes, son érudition des cocasseries, tout cela mêlé au désir de plaire. Il nous parle de son jardinier japonais, parlant le français par axiomes, axiomes choisis dans l’idiome le plus moderne. Ainsi il s’est présenté à lui, avec cette phrase : « Jamais canaille… c’est épatant ! » Et il dit du jardin japonais, à l’opposite du jardin français : « Jardin japonais, jamais d’agglomération ! »

Puis, comme il est question de son volume futur sur les pierres précieuses, et que Daudet dit superstitieusement, que la pierre précieuse est dangereuse, maléficiante, Montesquiou conte, que lord Lytton, qui avait un culte pour la comtesse Greffulhe, lui avait laissé une pierre gravée, admirable. Mais sur cette pierre, il y avait des caractères qui intriguaient la comtesse. Elle la faisait porter à un mage, qui l’avertissait de se défaire au plus tôt de cette pierre, sous peine de mort subite, ce qui était arrivé à lord Lytton. Là-dessus, la comtesse montait en voiture, se faisait conduire au bord de la Seine, et jetait la pierre à l’eau. C’est depuis ce temps, dit Montesquiou, en riant, que le fleuve est si mauvais pour la santé parisienne.

Mardi 20 août. — Toute la soirée, passée à lire de la Desbordes-Valmore, une vraie poétesse, qui a très