Page:Goncourt - La Fille Élisa, Charpentier, 1877.djvu/162

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Ce cabaret, la fille le peignait à ses compagnes avec des mots à elle, où il y avait encore du gaudissement intérieur apporté au fond de son être par cette campagne violente. Ses paroles aussi exprimaient tumultueusement un sentiment de délivrance, la délivrance de cette main policière, éternellement suspendue sur les femmes de son espèce, délivrance qu’elle ne sentait que là, seulement là, sur ce morceau de terre entouré d’eau de toutes parts et où les gendarmes n’aimaient pas à se risquer. Elle disait le bonheur fou qu’elle éprouvait à demi-ivre, assise à cru sur le tape-cul-balançoire, et en danger de se tuer à tout moment, d’être emportée dans une rapidité qui donnait le vertige à son ivresse. Elle énumérait les poules, les canards, le mouton, le cochon, le chien de berger dressé à sauter du peuplier dans l’eau. Elle n’en finissait pas sur sa bataille, à coups d’ombrelle, avec le grand dindon, l’ennemi des femmes, qui, gloussant furibondement, et la crête sanguinolente,