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Page:Goncourt - La Fille Élisa, Charpentier, 1877.djvu/63

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disant que ce litre leur rappelait le temps où, toutes petites filles, elles allaient tirer le vin au tonneau. La grande distraction de ce monde était de parler patois, de gazouiller, au milieu de rires idiots où revenait le passé, le langage rudimentaire du village qui leur avait donné le jour.

La moins brute de la compagnie était une grande fille à l’étroit front bombé, aux noirs sourcils reliés au-dessus de deux yeux de gazelle, aux joues briquetées d’un rouge dénonçant un estomac nourri de cochonneries, à la petite bouche accompagnée de fossettes ironiques, à l’ombre follette de cheveux tombant sur le sourire cerné de ses yeux et répandant, dans toute sa physionomie, quelque chose de sylvain et d’égaré. Chez la rustique et étrange créature, la fantasque déraison d’une santé de femme mal équilibrée éclatait à tout moment, en taquineries violentes, en caprices méchants, en actes d’une domination contrariante.