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Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/229

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promenade des rues, ces inconscientes échappées de paroles à voix haute, qui, sur les trottoirs, font retourner les passants sur les talons d’un monsieur qui s’éloigne, les mains derrière lui, la tête baissée, le dos rond.

En sa vie toute cérébrale n’existait plus la notion du temps, n’existait plus la perception du froid, du chaud, de toutes les petites et ténues impressions produites sur un corps éveillé par les choses extérieures et les milieux ambiants. L’existence animale, ses actes, ses fonctions, semblaient s’accomplir chez lui, comme par la continuation d’une mécanique remontée pour quelque temps, et sans qu’il y eut en rien une participation de son individu. Les mots qu’on lui disait, il était long à les entendre, comme s’ils lui arrivaient à voix basse de loin, de bien loin, ou plutôt comme s’il était sorti de son être, et qu’il lui fallût, pour répondre, le temps d’y rentrer. Et il demeurait des jours au milieu des autres, et même parmi ses camarades, ainsi perdu,