Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/148

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le mensonge de la beauté morale. Elle étudiait ces fronts, les uns écrasés et aplatis sous le faix du monde, les autres ridés, sillonnés des plis de la carte de Strabon, ces physionomies tourmentées ou bien sévèrement apaisées : ici la sérénité suprême et douloureuse d’un philosophe, là une impériale majesté porcine. Et de l’expression presque moderne d’un Antonin, digne de ce surnom : le Pieux, son attention passait et tombait à ce qu’ont rangé là la succession tragique et la dispute sanglante de la pourpre en lambeaux, la descente des Empereurs bons à la pourriture, de ces Césars moulés dans du marbre corrompu, aux types extrêmes de la sensualité bestiale, au gâtisme de la Toute-Puissance !

Entre toutes ces statues, une surtout l’impressionna : c’était un César-Auguste aux cheveux en gerbes et se tressant en couronne, dans une cuirasse de l’Iliade, une draperie calme jetée sur son bras porte-sceptre, pareil à un Dieu de l’impassible commandement… Mme Gervaisais venait au Braccio nuovo pour l’admirer, au moment où