Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/28

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Elle ouvrit les yeux : elle avait sur elle un rayon glissant d’une persienne mal fermée et frappant en plein sur son oreiller.

Elle sortit de son lit, heureuse de ce réveil nouveau dans le plaisir de vivre, auquel les maussades matins de Paris habituent si peu les existences parisiennes ; et, jetant un peignoir sur ses épaules, ouvrant la fenêtre toute grande, elle se mit à contempler le ciel d’un beau jour de Rome : un ciel bleu où elle crut voir la promesse d’un éternel beau temps ; un ciel bleu, de ce bleu léger, doux et laiteux que donne la gouache à un ciel d’aquarelle ; un ciel immensément bleu, sans un nuage, sans un flocon, sans une tache ; un ciel profond, transparent, et qui montait comme de l’azur à l’éther ; un ciel qui avait la clarté cristalline des cieux qui regardent de l’eau, la limpidité de l’infini flottant sur une mer du Midi ; ce ciel romain auquel le voisinage de la Méditerranée et toutes les causes inconnues de la félicité d’un ciel font garder, toute la journée, la jeunesse, la fraîcheur et l’éveil de son matin.