Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/318

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conversion, vu passer dans l’Évangile, dans de l’histoire qui n’était pas encore divine à ses yeux.

Et cela lui arrivait, en ce temps où elle suivait les méthodes et les exercices pratiques de Loyola, cherchant le moins de clarté possible, le demi-jour qu’il conseille comme plus propre à l’illusion matérielle, et où elle tâchait d’évoquer, avec l’imagination, la représentation réelle du temps et de l’événement saint, objet de son oraison. Selon les leçons du grand directeur d’âmes, elle forçait ses « cinq sens », sa vue à voir, à se figurer le lieu, le décor, l’habillement, le visage sacré ; son ouïe à entendre le son de la voix ; son toucher à embrasser des mains, des vêtements, des traces de pas ; son goût et son odorat à sentir l’ineffable suavité qu’exhale une humanité divine ; et ainsi elle s’enfonçait en elle le Dieu de la Croix.

Dès lors, affranchie du long tourment de sa frayeur, elle commença à jouir ? tremblante, émue, ébranlée par tout l’être, de l’intimité chaste et délicate de son jeune