Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/360

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humaine qui s’évapore au souffle ; et à marcher, elle se trouvait légère comme dans de la terre sainte, arrosée de sacrifice. Elle s’arrêtait à quelque peinture barbare que faisait apparaître, une seconde, la mince lueur du cierge, aux premiers dessins d’enfant d’une foi, à un oiseau symbolique, à un bout d’arabesque, à une colonne qui semblait avoir servi de billot à ces décapitations de saintes qu’on voit, dans les tableaux des vieilles écoles, attendues au ciel par des volées d’anges. Et, parfois, elle était étonnée de la fraîcheur d’un bouquet du matin sur la pierre d’une martyre de dix-sept siècles.

À mesure qu’elle avançait, le cimetière enterré l’attirait à l’inconnu de ses ténèbres et de sa vague immensité. Le rien de lumière qui tremblotait et mettait un vacillement sur l’incertitude et le doute des parois, le marcher tâtonnant, hésitant, sur le sol inégal et bossué, l’appréhension de se cogner dans le noir de sa gauche ou de sa droite, des trous où elle sentait des souffles de précipices, des bouches de profondeurs