Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’ombre de leur cernure, ses traits à fines arêtes, auxquels la maladie avait fait garder, à trente-sept ans, la minceur de leur jeunesse, une peau pâle, même un peu brune, mettaient chez madame Gervaisais la séduction attirante et étrange d’une personne à part, inoubliable, profonde et magnétique, d’une pure vivante de pensée, à peine terrestre, et dont le visage ne serait plus que celui d’un esprit. Et chez elle encore, la longueur du cou, l’étroitesse des épaules, l’absence de poitrine, le néant du haut du corps dans l’étoffe qui l’enveloppait en flottant, une maigreur sans sexe et presque séraphique, la ligne austère d’une créature psychique, ajoutaient encore à cet air au-delà de la vie qui donnait à tout son être l’apparence d’une figure de l’extra-monde.

Sur la petite étagère en bois tourné, attachée au mur par quatre tresses de soie jaune, étaient, à portée de sa main, ses livres amis, portant ces noms graves : Dugald-Stewart, Kant, Jouffroy.