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Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/63

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don personnel, la perception d’un sens intime, infiniment délicat, exercé à suivre en elle l’action pensante, la série des impressions, des opérations intellectuelles, des déterminations volontaires, de toutes ces modifications qui sont les faits de la conscience.

Étude profonde : toute repliée et retournée en dedans, souvent dans le silence où les oreilles n’entendent pas, quelquefois dans l’obscurité où les yeux ne voient plus, dans la solitude où elle s’occupait à creuser l’invisible et l’inconnu de son être moral, à interroger les mouvements de sa sensibilité, les phénomènes habituels de son moi, elle parvenait à une remarquable puissance d’observation interne : peu à peu elle se forçait à sentir des choses que les autres ne sentent pas ; et avec l’espèce de lucidité de « voyante » qui lui venait pour ce monde indistinct, fermé à l’aveuglement du commun des vivants et si ténébreux encore pour la science elle-même, elle apercevait par instants à l’horizon, à travers le déchirement d’un vaste voile, des éclaircies